Ainsi donc, à en croire nos détracteurs, «Sexe, race et colonies» serait «un beau gros livre porno». Depuis le journaliste Daniel Schnei-dermann, à qui l'on doit ces mots, jusqu'à l'historien Philippe Artières qui nous fit un procès en «esthétisation des images»(1), un concert de voix principalement masculines et blanches s'est donc élevé, non pour débattre comme il eût été fécond de le faire mais pour condamner un ouvrage d'histoire auquel ont contribué 97 spécialistes - dont 57 femmes -, fruit d'une réflexion collégiale de plus de quatre années.
Seule directrice parmi les cinq copilotes de ce projet dont l'intention clairement revendiquée est de dénoncer la domination sexuelle systémique des colonisés, je me devais de rompre ce chœur de voix viriles prétendant «porter secours» aux femmes colonisées, notamment noires, devenues, à les écouter, deux fois victimes par production et par reproduction de leur image sur «papier glacé». (Mais un livre d'histoire sur la sexualité se doit-il forcément d'être laid, confidentiel et confiné dans un rayonnage poussiéreux?)
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